Le kig ha farz : quand la Bretagne s’invite à table
Il y a des plats qui ne se contentent pas de nourrir ; ils racontent une histoire. Le kig ha farz est de ceux-là. Originaire du Léon, dans le Nord-Finistère, ce mets ancestral mêle viande, légumes mijotés et un far à la farine de blé noir, cuit dans un sac de toile. Imaginez un pot-au-feu breton, généreux, réconfortant, avec cette touche de sarrasin qui murmure aux oreilles des anciens paysans bretons.
Mais pourquoi donc chercher du kig ha farz dans le Morbihan, entendrez-vous peut-être ? Parce que la gourmandise n’a pas de frontière, et que dans ce coin sud de la Bretagne, des aubergistes passionnés font vivre cette tradition culinaire avec cœur et marmites bien remplies. Prêts à partager une table authentique ? Cap sur les meilleures adresses du Morbihan pour savourer un kig ha farz digne de ce nom.
La ferme-auberge de Ker ar Bruck, au cœur des terres
À quelques encablures de Locminé, cette ferme familiale s’est transformée en auberge sans rien perdre de son âme. Ici, Martine prépare le kig ha farz selon la recette de sa grand-mère. Dans la cuisine, ça mijote lentement, sans précipitation, comme le veut la tradition.
Son far est un poème : à la fois dense et moelleux, avec ce discret parfum de beurre salé. La viande ? Mijotée avec amour pendant des heures — jarret de porc, lard fumé, parfois une pointe de bœuf. Tout est local, évidemment.
Le plus ? Le repas se termine souvent autour du feu, avec un verre de cidre brut et une histoire contée en breton, pour ceux qui tendent bien l’oreille.
Adresse : Ferme de Ker ar Bruck, 56500 Locminé
Le Kig Ha Farz du dimanche au Ty Breizh, Vannes
Le Ty Breizh ne plaisante pas avec les classiques. Ce petit restaurant au centre de Vannes ne propose le kig ha farz qu’un jour par semaine : le dimanche midi. Autant dire qu’il vaudra mieux réserver, car les habitués se pressent pour retrouver les saveurs de l’enfance.
Le chef, Yann, vous explique le rituel avec passion : “On ne triche pas avec un kig ha farz. Il faut le temps, de bons produits, et un bout de Bretagne dans l’âme.” Il n’en fallait pas plus pour que sa recette devienne culte dans le Golfe.
Entre deux bouchées, vous comprendrez pourquoi Vannes est bien plus qu’une carte postale : c’est aussi un lieu où l’on cuisine les racines.
Adresse : Ty Breizh, 10 rue des Halles, 56000 Vannes
Chez Marie-Thérèse à Gourin : l’esprit fest-noz dans l’assiette
Avez-vous déjà goûté un plat qui semble danser dans votre bouche ? Chez Marie-Thérèse, à Gourin, capitale bretonne du chapeau rond, le kig ha farz a des airs de fest-noz. Servi tous les vendredis soirs dans son auberge conviviale, il accompagne souvent une soirée de musique traditionnelle bretonne.
Les convives arrivent parfois en gavotte, repartent avec le cœur (et le ventre) rempli. Le far, ici, est égrainé, presque croustillant, et accompagné d’un lipig bien relevé à l’échalote et au beurre salé. Vous reprendrez bien un peu de Kenavo avec ça ?
Adresse : Auberge Chez Marie-Thérèse, 56110 Gourin
À la Table de Rozenn, au Faouët
Rozenn a appris à cuisiner le kig ha farz avec sa mère, entre deux marchés et trois bigoudènes. Aujourd’hui, dans son petit restaurant à mi-chemin entre Lorient et Carhaix, elle en a fait sa signature. Chaque premier samedi du mois, c’est kig ha farz et rien d’autre.
Ce qui surprend ici, c’est la subtilité du bouillon, infusé aux herbes du jardin. Les légumes sont fondants, les viandes goûteuses, et le far — top secret — offre une texture généreuse et aérienne. On y vient pour manger, et on y reste pour discuter.
Le cadre ? Une ancienne étable rénovée, pierres apparentes, nappes en lin ancien, et ce quelque chose dans l’air qui fait qu’on se sent immédiatement à la maison.
Adresse : La Table de Rozenn, 56320 Le Faouët
L’auberge du Champ d’Avoine, Saint-Guyomard
Derrière cette adresse un peu méconnue du pays de Ploërmel, se cache un trésor rural : un kig ha farz 100% terroir, dégusté au coin du feu dans une salle à manger rustique où le chêne domine.
Les recettes varient selon les saisons. L’hiver, le chef y ajoute parfois une saucisse fumée ou un bouillon aux algues, clin d’œil aux inspirations des côtes voisines. Le far est cuit à l’ancienne, suspendu dans son “sac” de lin au-dessus d’un bouillon frémissant plusieurs heures durant.
L’ambiance ? Un savant mélange de silence, de rires de table, et d’odeurs qui vous rappellent que parfois, le vrai luxe est dans la simplicité d’un plat bien fait.
Adresse : Auberge du Champ d’Avoine, 56460 Saint-Guyomard
Le petit guide du parfait dégustateur de kig ha farz
Si vous n’avez jamais goûté ce monument de la gastronomie bretonne, quelques règles non-écrites peuvent rendre l’expérience encore plus savoureuse :
- Le farz : souvent effectué avec de la farine de blé noir, parfois enrichi de froment, il peut être présenté en tranches, émietté ou en version “sacier” (dans un sac en toile). Chaque maison a sa méthode, mais l’important, c’est cette saveur riche et rustique.
- Le lipig : cette petite sauce au beurre fondu, échalotes, parfois lardons, vient napper le farz à la fin. C’est l’étreinte finale, le “rehaut” dont on parle à voix basse, tant il est essentiel.
- Les viandes : traditionnellement porc, lard, jarret, parfois bœuf — en tout cas, elles doivent mijoter lentement pour libérer toute leur tendreté.
- Les légumes : carottes, poireaux, rutabagas, pommes de terre… La terre bretonne dans toute sa douceur. On y retrouve parfois du chou ou de la navette selon les saisons.
- Accompagnement : le cidre fermier est tout indiqué, mais certains osent un bon vin rouge léger pour les rouges du terroir.
À la recherche du goût vrai
Goûter un kig ha farz dans le Morbihan, c’est adopter une Bretagne qui ne se laisse pas enfermer par les cartes ou les clichés. C’est entendre, à travers les effluves de bouillon et les histoires racontées à table, la mémoire vivante d’un territoire qui cuisine avec son cœur.
Parfois, il faut rouler longtemps sur des routes bordées de talus et d’hortensias, jusqu’à tomber sur une auberge accueillante où le kig ha farz fume encore dans les cocottes. Là, entre deux bouchées, une évidence surgit : la Bretagne, ce n’est pas seulement un paysage. C’est un goût, une générosité, une façon d’être au monde. Et souvent, tout commence dans une assiette bien chaude.
Alors, qui a dit que le kig ha farz ne se mangeait que dans le Finistère ? Le Morbihan aussi sait le faire parler, et vous invite à mettre les pieds sous la table.