Un bout du monde entre terre et mer
Quand on évoque la Presqu’île de Rhuys, certains pensent immédiatement aux plages blondes et aux voiliers qui effleurent l’écume. D’autres se remémorent les silhouettes médiévales des châteaux, ou les villages où le granit chante dans les venelles à l’ombre des figuiers. Et ils ont raison. Rhuys, ce bras de terre qui enlace le golfe du Morbihan, est un condensé de Bretagne : entre mer scintillante, nature préservée et patrimoine inspirant. Un terrain d’aventures pour les curieux, les rêveurs… et les randonneurs.
Sarzeau, le cœur battant de la presqu’île
Point de départ incontournable : Sarzeau. Cette bourgade animée, nichée au centre de la presqu’île, est bien plus qu’un simple carrefour. Le marché y déploie chaque semaine ses trésors du terroir : fromages de chèvre, galettes de blé noir encore tièdes, rillettes de la mer, et bien sûr, l’huître – la star locale. Vous êtes tenté ? Normal. Ici, impossible de parler de Rhuys sans évoquer ses huîtres creuses, affinées avec amour sur les rives du golfe.
Un conseil de promeneur gourmand : faites un détour par le petit port du Logéo. À marée basse, les parcs ostréicoles s’y humectent dans la lumière rasante, et quelques producteurs ouvrent leurs cabanes pour des dégustations improvisées. Entre deux bouchées iodées, l’histoire locale s’invite souvent à la table. “Tu sais pourquoi on dit que le golfe abrite autant d’îles que de jours dans l’année ?” demande fièrement un vieil ostréiculteur. À vous de compter…
Le château de Suscinio, entre légendes et marais
Il ne surgit pas, il s’impose. Le château de Suscinio a l’allure des forteresses de conte : pont-levis, douves, tours puissantes. Ancienne résidence des ducs de Bretagne, il trône à la frontière des terres et des marais. Et c’est là que la magie opère. Une promenade autour de Suscinio, c’est bien plus qu’un voyage dans le temps — c’est une immersion dans la faune discrète et les légendes qui flottent au vent.
Empruntez le sentier qui longe les marais de Suscinio. Ici, les jumelles sont reines. Hérons cendrés, avocettes élégantes, et parfois même, si la chance sourit, une envolée rare de spatules blanches. La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) a balisé discrètement les endroits stratégiques pour l’observation. Silence et patience seront vos alliés.
De port en port, le charme sans filtre
La beauté de la presqu’île, c’est cette alternance constante entre authenticité et grand large. Après le château, cap vers Port-Navalo, aux portes de l’océan Atlantique. Lieu de départ des croisières vers l’île-aux-Moines ou l’île d’Arz, ce village offre un panorama majestueux sur l’entrée du golfe. Ici, les bateaux dessinent des arabesques dans le courant, les balises rythment l’horizon, et le phare veille, impassible.
Mais ne partez pas sans flâner sur le sentier côtier : un GR34 en version carte postale. Net, sauvage, iodé. Le chemin serpente le long des falaises jusqu’à la plage de Kerjouanno, où les cerfs-volants disputent le ciel aux goélands. En été, le Festival de la Petite Mer anime les ports avec concerts, danses bretonnes et démonstrations maritimes. Une vraie fête des sens et des traditions.
À bicyclette sur la Presqu’île
Envie d’un point de vue différent ? Enfourchez un vélo, prenez la voie verte aménagée entre Arzon et Saint-Gildas-de-Rhuys, et laissez-vous porter. Ce parcours offre une immersion douce dans les campagnes bretonnes, longeant tantôt des champs de blé où sifflent les alouettes, tantôt des haies d’aubépines parfumées.
À Saint-Gildas-de-Rhuys, petit bourg plein de charme posé entre ciel et mer, faites halte à l’abbaye bénédictine. L’accueil y est sobre et solennel, presque atemporel. Datant du XIe siècle, elle reste un témoin précieux de la spiritualité médiévale bretonne. Un peu plus loin, la Table des Pêcheurs propose une cuisine simple et savoureuse, à base de poissons pêchés le matin même. Une adresse qui fleure bon le large.
Baignades et criques secrètes
Petit secret entre nous : au détour des chemins, la presqu’île regorge de criques discrètes où l’on se sent seul au monde. Bien sûr, la grande plage de Suscinio ou celle de Penvins invitent à l’oisiveté, au château de sable et aux longues siestes ensoleillées. Mais les vrais trésors sont ailleurs. À marée basse, armez-vous d’un panier et partez à la pêche à pied sur les grèves de la Pointe de Penvins : palourdes, crevettes grises, étrilles curieuses… Une activité familiale, ludique et, disons-le, délicieuse.
Pour les plus intrépides, le paddle est une autre manière de tutoyer Rhuys : debout sur l’eau, glissant sur les flots tranquilles du golfe, les perspectives changent. On croise parfois un phoque, téméraire, qui observe les rameurs avant de disparaître dans une bulle d’écume. Quand la mer devient miroir, c’est tout Rhuys qui vous contemple.
Rituels d’artisans et saveurs du terroir
Impossible de partir sans s’attarder sur les créations locales. Plusieurs artisans perpétuent ici des savoir-faire uniques. À Arzon, ne manquez pas l’atelier de céramique tenue par Élise Le Floch, qui puise son inspiration dans les textures marines et les teintes algales. Une tasse, un saladier ou une assiette devient aussitôt un souvenir de voyage – utile et poétique.
Dans une ferme à Saint-Armel, on découvre aussi un petit secret bien gardé : le safran breton. Cultivé à la main, rouge carmin et délicatement parfumé, il est devenu l’ingrédient magique de quelques chefs locaux. Une pincée, et même la plus simple moules-frites gagne en mystère.
Entre ciel étoilé et appel du large
Et puis, quand la nuit tombe, un autre visage de Rhuys se révèle. Peu touchée par la pollution lumineuse, la presqu’île est un paradis pour les amateurs d’astronomie. À la pointe du Grand Mont, près de Saint-Gildas, le spectacle céleste déploie ses constellations avec une netteté rare. On y entend parfois le vent, parfois le silence, et souvent ce sentiment étrange de plénitude qu’on ne trouve que dans les endroits “hors du temps”.
Alors, que vous soyez lève-tôt en quête d’une lumière parfaite pour vos clichés, contemplatif du crépuscule, à la recherche de votre nouveau plat favori ou randonneur jamais rassasié, la presqu’île de Rhuys a ce pouvoir rare : elle appartient à chacun. À condition d’y marcher lentement, les yeux ouverts et le cœur prêt à se laisser surprendre.