Quelque part, à la lisière de l’écume et du ciel changeant des Côtes-d’Armor, un chapelet d’îles se découpe sur l’azur breton. Connues sous le nom évocateur des 7 îles, ces joyaux posés entre mer et mystère forment la plus grande réserve ornithologique de France. Et pourtant, nombreux sont ceux qui ignorent tout de ce sanctuaire marin situé au large de Perros-Guirec.
Préparez vos jumelles, un brin d’émerveillement et un coupe-vent (la Bretagne reste fidèle à ses vents iodés) : voici un voyage inoubliable dans les 7 îles, où le granit rose flirte avec les cris rauques des fous de Bassan et le scintillement furtif d’un phoque gris.
Une constellation d’îles sous l’aile des oiseaux marins
Les 7 îles ne sont en réalité que cinq à être physiquement séparées du continent. Leur nom mystérieux renvoie à une vieille croyance locale, née d’un jeu d’échos cartographiques. Ces cinq îles principales — Rouzic, Malban, Les Costans, l’île Plate et l’île aux Moines — sont parfois rejointes par deux rochers isolés (Cerat et Bono), formant ce mythique archipel au chiffre magique.
Situé à quelques encablures de la côte granitique, ce microcosme marin est un paradis pour les naturalistes. Plus de 20 000 couples d’oiseaux, dont de rares macareux moines, y nichent au printemps. C’est un spectacle vivant, vibrant, presque surnaturel lorsque les fous de Bassan plongent comme des flèches dans la mer Opale.
Embarquement depuis Perros-Guirec : l’appel du large
Tout commence au petit matin, sur le port de Perros-Guirec. Les vedettes de l’archipel vous attendent, tangiblement impatientes, prêtes à vous guider dans cette excursion maritime. Le départ est réglé à marée et à vent, et l’air salin vous accueille comme un vieil ami.
Le trajet jusqu’aux 7 îles dure une cinquantaine de minutes. Mais le voyage commence bien avant le premier roulis. À bâbord, les hautes silhouettes de la côte de Granit Rose se dessinent telles des sculptures géantes. À tribord, la mer lisse ou agitée, toujours indomptable, vous murmure ses histoires.
En saison, les croisières sont commentées par des guides passionnés, souvent natifs des environs. Certains sont d’anciens marins, d’autres naturalistes, mais tous ont ce don breton : celui de mêler érudition et poésie. Vous apprendrez pourquoi les fous de Bassan ont choisi Rouzic, comment les macareux moines dansent leur parade nuptiale, et ce que cache le nom de « l’île aux Moines » — bien plus qu’un monastère oublié.
Rouzic, royaume des fous de Bassan
Impossible de la manquer : l’île Rouzic est reconnaissable à son manteau blanc vivant. Non, ce n’est pas de la neige, mais des milliers de fous de Bassan qui couvrent ses falaises abruptes et ses pentes. Avec leur plumage immaculé, leurs yeux d’un bleu céruléen et leur bec imposant, ces rois du ciel offrent le plus impressionnant ballet aérien que l’Atlantique puisse offrir.
En période de nidification, le vacarme est assourdissant, presque hypnotique. Une chorale sauvage où chaque cri porte l’écho d’un instinct ancestral. Pas besoin de descendre sur l’île (d’ailleurs, c’est interdit pour préserver la faune) pour ressentir la puissance de ce lieu. Depuis le pont du bateau, c’est tout un monde qui s’offre à vous.
Île aux Moines : une halte dans le temps
C’est la seule des 7 îles où l’on peut mettre pied à terre — et quel pied à terre ! L’île aux Moines, la plus grande de l’archipel, mêle ruines historiques et landes rases balayées par les vents. Autrefois possession des moines de Bégard, elle abrita aussi des guetteurs et des soldats, vestiges encore visibles à travers les canons rouillés et les casemates effacées par le temps.
On y trouve surtout une véritable sensation de bout du monde. Pas de réseau, pas de bruit artificiel — seulement le chant du vent et des goélands, et cette lumière si particulière qui peint la Bretagne d’une palette infinie de bleus et de gris.
Lors des escales guidées (de courte durée mais mémorables), on peut croiser des colonies de cormorans huppés, observer les bancs de palourdes en contrebas à marée basse, ou tout simplement s’asseoir sur un rocher en contemplant l’horizon. Une leçon de lenteur.
Anecdotes d’une mer pleine de vie
Ce que les brochures touristiques mentionnent à peine, ce sont les rencontres inattendues. Comme ce phoque gris qui, un matin de mai, suivait consciencieusement la vedette, houspillé par quelques mouettes jalouses. Ou ce macareux farceur qui, à vingt mètres du bateau, s’est offert un vol rasant, si prompt qu’il a fait jaillir un éclat de rire collectif chez les passagers.
Il y a aussi cette brume soudaine, venue d’un ailleurs mystérieux, qui enrobe les îles d’un voile irréel. Elle ne dure jamais bien longtemps, juste assez pour donner à l’excursion des airs de rêve éveillé.
Conseils pratiques pour préparer votre excursion
Envie d’embarquer ? Voici quelques recommandations pour profiter pleinement de l’expérience :
- Choisissez bien votre saison : Le printemps et l’été offrent le meilleur spectacle ornithologique. Les macareux moines sont visibles généralement de mai à début août.
- Habillez-vous chaudement : même en plein été, la mer peut se montrer frileuse. Un coupe-vent, un bonnet, et de bonnes chaussures sont vos alliés.
- N’oubliez pas vos jumelles : pour observer les oiseaux sans les déranger — et croyez-le, cela change tout.
- Réservez en avance : en haute saison, les places sur les bateaux s’envolent comme les goélands.
- Sensibilisez les plus jeunes : une excursion comme celle-ci peut marquer les esprits d’une vie, en leur donnant le goût de la nature et du respect des espèces.
Des îles pas si lointaines, un souvenir éternel
Explorer les 7 îles, c’est bien plus qu’une sortie en mer. C’est un retour à ce que la Bretagne a de plus sauvage, de plus pur. C’est contempler les éléments dans leur expression la plus brute et la plus belle. Et c’est, à travers les volutes du vent et l’écho des vagues, entendre batte le cœur profond de la région.
Alors, prêts à larguer les amarres ? Ce monde insulaire, intact et préservé, n’attend que votre regard curieux et votre silence admiratif.
Et qui sait — peut-être qu’à votre tour, à force de revenir, vous saurez reconnaître le cri du pingouin torda avant même de le voir…
En Bretagne, chaque île est une histoire. À vous d’écrire la vôtre.